La Foi est une énergie de vie, de volonté, de courage, de passion, elle a toujours poussé certains hommes vers l'avant, vers de nouveaux horizons, avec la spiritualité comme support, pour accéder à l'invisible.

Piedra Parada, Gualjaina, Patagonie argentine

Au moment où j’écris ces lignes, une vingtaine d’années s’est écoulée depuis le moment où j’ai fait le choix de vivre ici en Patagonie. Je sais maintenant que tout y est équilibre, Jean Raspail considérait d’ailleurs la Patagonie comme « une seconde patrie, la patrie refuge de ceux qui croient à la transcendance, à la nécessité d’exhausser ses pensées »… Tout est dit.

C’est la dernière terre habitée par des hommes, le cul-de-sac de l’Amérique du Sud. Une vaste région grandiose, encore sauvage, une « fin du monde » qui figure sans aucun doute parmi les plus beaux endroits de la planète. Elle fascine aussi bien les explorateurs et les scientifiques que les voyageurs en quête de dépaysement et de ressourcement. Nulle part ailleurs existe autant cette impression de se trouver à la verticale de ce que tout être humain nécessite : la liberté et le silence.

Le siècle des villes

L’humanité est passée en un siècle d’un milliard d’êtres humains à huit milliards. Le 21e siècle sera le siècle des villes. Aujourd’hui, près de 60% des humains vivent dans les villes. Le paysage urbain est déjà le cadre de vie de la majorité de l’humanité et les mégalopoles prennent de plus en plus de poids sur la carte du monde.

Le siècle des villes

En 2050, la proportion d’urbains devrait atteindre 75 à 80%. Ce processus d’urbanisation se traduit souvent par un développement anarchique et des conditions humaines, sanitaires et écologiques effrayantes.

Paris, avec ses 2,2 millions d’habitants intra-muros et son agglomération de 10 millions d’habitants, fait figure de naine à l’échelle mondiale. Les Chinois ont, par exemple, le projet de construire autour de Pékin, la capitale, une mégalopole de 100 millions d’habitants baptisée Jing-Jin-Ji.

Des projets les plus fous et contre nature, comme en Arabie Saoudite, la future ville miroir « The Line » qui devrait abriter plus de neuf millions de personnes. Un mur miroir long de 170 kilomètres, haut de 500 mètres et large de 200 mètres, le tout en plein désert…

La ville a tendance à tout engloutir dans sa fièvre. On se déplace à vive allure dans les rues, sans même voir le ciel, couvert de panneaux publicitaires, de lumières artificielles. L’horizon qui se barre de bâtiments, est une simple illusion pour beaucoup.

Dans ce monde, le contact avec la nature, avec les ressources, avec le vitale, avec le juste nécessaire, avec le monde sauvage est bien loin. Les zones urbaines surpeuplées sont aujourd’hui les plus touchées par les pandémies, qui pourrait marquer l’avènement d’un nouveau cosmopolitisme. Les grandes villes ont été les épicentres des maladies infectieuses depuis toujours.

Pour beaucoup, les villes sont devenues des prisons absurdes où l’on réside dans le seul but de gagner assez d’argent pour avoir les moyens d’y résider. Hier, se payait très cher le mètre carré pour le privilège d’être serrés entre semblables. Demain, il se pourrait bien que l’on achète plutôt le privilège d’être éloigné des autres…

La nature et la pensée sauvage

Pour échapper au piège de la productivité industrielle et de la folie démographique, l’Homme doit repenser sa relation au monde, via un retour aux sources de la pensée sauvage.

Nous avons tous fondamentalement besoin de marcher au cœur d’une forêt, de contempler l’horizon, de camper au bord d’un lac, de gravir une montagne, d’écouter le silence, de renouer avec les choses si essentielles et simples de la vie, pour ainsi se sentir entier, vrai.

Chevaux sauvages en Patagonie et Torres del Paine en toile de fond

La nature est l’unique partenaire d’une relation de don, de sacré, elle nous apaise, nous métamorphose… L’amour de la nature date de l’enfance, de l’éblouissement devant le ciel, une rivière, un océan imaginaire, l’attirance pour l’infini naturel. Dès notre plus jeune âge, elle devient ce partenaire d’existence, cet autre qui permet d’évoluer.

Tout homme a la nécessité à un moment de sa vie de rentrer au fond de soi et d’accepter ce qu’il est. Ce voyage dans le soi-même demande beaucoup de courage, il faut s’accepter pour pouvoir ensuite s’ouvrir aux autres.

La Nature est le lieu de transformation profonde, aussi bien dans une expérience où l’individu se retrouve seul au milieu de l’océan par exemple, ou dans une rencontre extraordinaire avec un animal sauvage.

La Nature est un des éléments déclencheurs du processus de transformation, elle est aussi le lieu du ressourcement. Être en accord avec la Nature, c’est la respecter puisque notre propre nature rejoint la Nature. Tout est lié.

Le dernier refuge

La Patagonie, c’est la symphonie des éléments, le chant du monde. Et quel plus bel endroit sur notre planète pour s’immerger au sein d’une telle nature si pure et si intacte dans son ensemble ? Ici, la force des paysages, c’est d’être fidèle à leurs réputations.

Nature sauvage à El Bolson, Rio Negro, Patagonie argentine

Certains hommes, en quête de terres reculées, ont cherché toute leurs vies à travers les mers, les montagnes, les pleines ; une rencontre avec eux-mêmes. Cela semble évident en regardant un globe, la Patagonie pourrait bien être le dernier refuge, pour tous ces hommes à la recherche d’un exile intérieur.

Ce territoire éloigné de tous les autres, situé au Sud du 40e parallèle Sud, entre les 65e et 75e méridiens Ouest, a la chance de jouir de conditions climatiques extrêmes pour freiner l’appétit des hommes.

C’est un peu le jardin d’Éden de notre planète. Tout abonde ou presque. Se trouvent ici les plus grandes réserves d’eau douce du monde, des gisements de pétrole et des grandes réserves de gaz. La Patagonie offre des paysages exceptionnels de montagnes couvertes de glaciers, de steppes, de forêts de résineux et de lacs, tandis que le littoral déchiqueté est composé d’une multitude de fjords, de baies et de détroits impressionnants.

Troupeaux de moutons en Patagonie

Au fond des vallées sont installées des estancias, elles s’étendent sur des milliers d’hectares. Le bétail s’y promène en quasi-liberté, il est réuni une fois par an – les moutons pour la tonte et les vaches pour procéder au marquage des veaux – Entre ces îlots de vie, il n’y a rien.

La Patagonie c’est également et surtout le dernier refuge pour de nombreuses espèces animales :

  • Le condor, roi des Andes, qui plane comme un éclaireur au-dessus des pics de la cordillère et scrutant les grands espaces. Il est l’oiseau le plus grand du monde.
  • Les baleines, qui à elles seules, sont le symbole de la vie animale ; les baleines à bosse dans les eaux du détroit de Magellan, de la terre de Feu, de l’Antarctique ; les baleines franches australes que l’on peut observer si facilement sur les côtes de la Péninsule Valdes ; les baleines bleues, qui se plaisent dans les eaux du Pacifique au Sud de l’Île de Chiloé.
  • Tout en haut de la chaîne alimentaire, les orques, que l’on peut apercevoir en chasse des proies désorientées.
  • Et enfin, le Puma, félin furtif et solitaire, qui est si difficile à observer.

Mais la Patagonie fut de tous temps le refuge pour des bandits de grands chemins, des parias en tout genre, des hauts responsables nazis, des politiques corrompus, mais aussi pour des rêveurs illuminés comme Antoine de Tounens, des millions d’immigrés Européens, des gauchos esseulés, des écrivains, des explorateurs, une multitude d’inconnus en manque d’authenticité et fuyant le conformisme, et j’en passe…

La Patagonie, le dernier refuge

L’écrivain chilien Francisco Coloane écrivait : « Tout, ici, semble mort, on dirait la naissance ou la limite d’une planète inconnue ».

J’ai la chance de vivre ici, en Patagonie, mon ultime refuge, en contact permanent avec Dame Nature, au milieu des éléments, en harmonie avec les sens… Tel un homme sauvage dans la nuit des temps.